vendredi 15 août 2008

Sortie de crise en Géorgie sur fond de tension diplomatique accrue


©REUTERS/RIA Novosti/Kremlin/Pool/Vladimir Rodionov

Depuis que la Russie et la Géorgie ont accepté le plan de paix proposé par Nicolas Sarkozy, le conflit ouvert par la guerre en Ossétie du Sud prend continuellement des proportions internationales préoccupantes. Un arrière-goût de guerre froide règne depuis la fin du conflit armé, dans un affrontement verbal qui oppose de plus en plus ouvertement Russie et Etats-Unis.

Les Etats-Unis ont nettement durci leur ton à l’égard de la Russie, tout en se positionnant clairement comme les défenseurs de la Géorgie. La Secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice, qui s’est rendue à Tbilissi le 15 août pour rencontrer le président géorgien, a de nouveau évoqué les évènements de 1968, lorsque l’Union Soviétique intervenait directement en Tchécoslovaquie pour rétablir son ordre. Rice déclarait que le contexte actuel était différent et que les Etats-Unis ne permettraient pas à la Russie de se comporter de la même manière en Géorgie.

Le président américain George W. Bush a accusé la Russie de « brimer » et d’ « intimider » la Géorgie. La Maison Blanche a à plusieurs reprises martelé que l’ « invasion » russe en Géorgie avait endommagé la crédibilité internationale du Kremlin et devait fortement détériorer les relations russo-américaines. Toujours dans un logique d’alliance qu’on a qualifiée de « néo guerre froide », la Pologne a signé un traité avec les Etats-Unis pour installer sur son territoire un système anti-missile.

Le président russe Dimitri Medvedev, alors qu’il recevait la chancelière allemande Angela Merkel, rétorquait que la Russie aurait de nouveau la même réponse si ses gardiens de la paix étaient de nouveau agressés. Il remettait également en cause le fait que les peuples séparatistes puissent, après ces évènements, accepter un jour de revivre sous domination géorgienne. Ces derniers jours, Moscou renvoyait systématiquement la balle à Washington, en déclarant que les Etats-Unis étaient prêts à déclarer des guerres au Moyen-Orient pour défendre quelques uns de leurs soldats et ne s’en outraient pas. Medvedev considérait aussi le traité anti-missile entre la Pologne et les Etats-Unis comme une menace directe pour Moscou.

Alors qu’Angela Merkel condamnait également le comportement russe, la Russie semble être diplomatiquement isolée par un Occident qui s’est plus empressé de condamner la violation du territoire géorgien par l’armée russe que le déclenchement de la guerre par Mikhaïl Saakachvili.

Ce dernier, lors de sa rencontre avec Condoleeza Rice à Tbilissi, a annoncé qu’il avait signé le cessez-le-feu « avec l’occupant russe », ce qui ne devait nullement signifier que la Géorgie renonçait à l’Abkhazie et à l’Ossétie du sud. Dans un discours qui accablait Moscou, il allait même jusqu’à jeter une responsabilité des évènements sur l’Occident, puisque ce dernier avait récemment refusé à la Géorgie le processus d’intégration à l’OTAN.


Sur le terrain : un bilan humanitaire préoccupant

Alors que la rhétorique se durcit entre les deux grandes puissances qui soutiennent les acteurs caucasiens, la situation sur le terrain n’est pas rassurante malgré l’avancée du plan de paix. Ces derniers jours, la région environnant la zone de conflit était en proie au chaos et aux exactions de criminels armés. Les médias russes montrent des bandits géorgiens pillant des villages ossètes, les médias occidentaux des miliciens ossètes commettant toute sorte d’exactions en Kartlie. Le média britannique Skynews rapportait même qu’une de ses équipes s’est faite racketter à Gori.

Les organisations humanitaires et des droits de l’homme, qui depuis l’acceptation du plan de paix le 13 août peuvent opérer dans les régions touchées par la guerre, font état d’une situation humanitaire préoccupante. Non seulement la sécurité est quasiment nulle là où la guerre a fait rage, mais cette dernière a créé des cohortes de personnes déplacées. Les chiffres sont difficiles à établir, mais il semble que quelques 40 000 habitants de Gori ont fui vers Tbilissi ; 15 000 Géorgiens habitant des villages d’Ossétie du Sud ont dû abandonner leurs maisons avec la victoire de l’armée russe et se trouvent actuellement dans la capitale géorgienne. En Géorgie occidentale, quelques 3000 habitants de la vallée de la Kodori prise par les Abkhazes se sont réfugiés à l’intérieur du pays, de même qu’un nombre incertain de Mingréliens habitant la région qui borde l’Abkhazie. Si les autorités géorgiennes s’efforcent de placer ces personnes dans des cliniques, des écoles ou des sanatoriums, les moyens mis en place pour les aider sont largement insuffisants.

Côté ossète, on estime à 30 000 environs le nombre de personnes ayant cherché refuge en Ossétie du Nord (Fédération de Russie), soit près de la moitié de la population de la république séparatiste. Les moyens mis en places pour les aider seraient également fort précaires, alors qu’une grande partie du territoire de l’Ossétie du Sud est encore en état d’insécurité maximale et interdit tout retour des déplacés.

Quant à un bilan humain de la guerre, il semble encore trop tôt pour en établir un. La Russie a parlé de 1600 victimes civiles parmi les Ossètes tombés principalement le jour de l’offensive géorgienne. L’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch, qui tente actuellement d’évaluer les pertes humaines, pense cependant que ce chiffre est largement exagéré. La Géorgie déclare quant à elle 175 morts et des centaines de blessés, dont l’immense majorité seraient des civils. L’état-major russe a déclaré 74 morts parmi ses soldats, plus 19 disparus et 171 blessés.

Alors que l’heure est au premier bilan, des informations contradictoires ne cessent de circuler sur la situation militaire en Géorgie et en Ossétie du Sud. Tbilissi accuse Moscou de continuer des manœuvres militaires et d’organiser une destruction systématique des infrastructures militaires géorgiennes. Aux alentours de Gori, un convoi militaire russe menant des opérations de descriptions a été observé jeudi et vendredi 15 août par des journalistes d’AP et d’AFP. Le contrôle de Gori a été à plusieurs reprises alternativement attribué aux forces russes et à la police géorgienne, les deux camps revenant parfois sur leurs déclarations. Il semblerait qu'en réalité, la ville soit encore sous contrôle russe, comme le montrent les images d'un convoi humanitaire accompagné du patriarche de l'église géorgienne Ilia II.

La situation sur le terrain est confuse et chaotique, ce qui n'est pas sans ouvrir le champ aux arguments diplomatiques, aux supputations et aux menaces. Depuis Tbilissi, Condoleeza Rice a de nouveau ordonné aux autorités russes de retirer leurs forces armées du territoire géorgien.

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