lundi 11 août 2008

Guerre en Géorgie : la Géorgie appelle au cessez-le feu, la Russie démentit un « plan d’invasion » mais continue de bombarder (11 août au matin)


Gori bombardée, © Leli Blagonrarova


Depuis le retournement militaire en défaveur des Géorgiens en Ossétie du Sud, au terme de la journée du 9 août, les autorités du pays tentent de désengrener la situation pour faire face à une Russie qui a déployé d’importants effectifs dans les deux républiques séparatistes et bombarde régulièrement des cibles stratégiques un peu partout en Géorgie intérieure. Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a par deux fois appelé la Russie à un cessez-le-feu. Les autorités du pays tirent l’alarme d’une « invasion russe », autant par leurs appels à l’aide auprès de la communauté internationale que par les messages qu’elles envoient auprès de sa population.

Ceci marque un tournant par rapport au terme du 9 août, deuxième jour après l’offensive géorgienne en Ossétie du Sud, où les médias nationaux véhiculaient encore l’information que les troupes géorgiennes tenaient Tskhinvali. Dans la matinée du 10 août, Tbilissi reconnaissait que les Russes maîtrisaient la capitale sud ossète et annonçait son retrait des troupes du territoire sud ossète, ce qui représente l’une des conditions mises en avant par la Russie pour qu’elle cesse sa contre-offensive. Peu après, une allocution télévisée prévenait les citoyens d’une invasion imminente en Géorgie occidentale et les enjoignait à se battre jusqu’au bout. La ville de Zougdidi, en première ligne après la frontière de l’Abkhazie, a été évacuée et serait quasiment vidée de ses habitants. La ville de Gori, qui a subi des bombardements civils le 9 août, serait aussi quasiment vide, alors que l’aviation russe y aurait lâché de nouvelles bombes le 11 au matin.


Char russe dans Tskhinvali détruite ©ASSOCIATED PRESS/RTR Russian Channel


La « course à la guerre et à la paix » s’est jouée dans la journée du 10 août autour de la question de la présence géorgienne sur le territoire sud ossète. Tbilissi annonçait à plusieurs reprises que son armée avait évacué ce dernier et repris ses positions initiales ; en soirée, les autorités faisaient même savoir qu’elles renonçaient à utiliser la force. Cependant, la Russie n’a cessé de déclarer que la Géorgie avait encore des effectifs en Ossétie du Sud et poursuivait des attaques. La seconde exigence du Kremlin pour qu’il accepte de cesser son action militaire, c'est-à-dire que la Géorgie signe un traité de non agression envers l’Ossétie du Sud, n’a pour l’instant pas été relevée par Tbilissi.

Sur le plan militaire, les données en Ossétie du Sud sont difficiles à établir ; il semble cependant que la Russie ait acheminé quelques 6000 hommes depuis l’Ossétie du Nord (Fédération de Russie), qui auraient pris position face à la Géorgie intérieure. Il semble également acquis que les forces russes maîtrisent Tskhinvali et l’ensemble du territoire sud ossète. L’armée géorgienne se serait repliée sur la ville de Gori, autour de laquelle elle aurait adopté des positions défensives.

Dans l’intervalle, un deuxième front s’est ouvert dans la deuxième république séparatiste, l’Abkhazie, dans une logique russe d’encerclement. Moscou aurait acheminé 4000 hommes par la Mer Noire ; les autorités Abkhazes ont annoncé avoir dépêché 1000 hommes en direction de la vallée de la Kodori, seule partie de l’Abkhazie tenue par les Géorgiens. Tbilissi a déclaré plusieurs fois avoir subi des attaques à Kodori. Toujours d’après Tbilissi, la flotte russe a mis en place un blocus du Port de Poti, le plus grand port géorgien, pour empêcher l’approvisionnement du pays en armes et en céréales. Un navire militaire géorgien aurait également été coulé par les torpilleurs russes. L’aviation russe a quant à elle poursuivi ses actions ciblées dans la journée du 10 août, visant notamment l’aéroport militaire de Tbilissi ainsi qu’une usine d’aviation attenante. Elle semble aussi avoir assez intensément bombardé la Mingrélie, région géorgienne frontalière de l’Abkhazie, notamment la ville de Zougdidi et des villages frontières. Mais il ne semble pas que ces actions aériennes aient entraîné d’importantes pertes humaines.

Le 11 août au matin, la Russie semble poursuivre son action militaire de menace, faite d’un encerclement par voie de terre et de mer et de bombardements par voie aérienne, sans pour autant lancer l’invasion redoutée par Tbilissi. Dans la nuit, deux bombes étaient larguées sur la capitale géorgienne, l’une touchant une station radar, l’autre dans une zone inhabitée. La base militaire de Sénaki en Mingrélie, le terrain d’aviation militaire de Dédoplitskharo en Kakhétie, d’autres infrastructures militaires en Adjarie, ainsi que le centre de Gori vidé de ses habitants ont également été bombardés. Les autorités géorgiennes ont décelé en tout 50 bombardiers russes volant dans l’espace aérien de la Géorgie dans la nuit du 10 au 11 août.

Les forces russes enregistraient quant à elles une reprise de confrontations armées sur le territoire sud ossète. Si les autorités russes ont pour l’instant nié tout « plan d’invasion » de la Géorgie, aucun pas vers une acceptation du cessez-le-feu proposé par Tbilissi n’est décelable.
Entre 5 et 8 heures du matin, l’armée russe a adressé un ultimatum à la Géorgie en Abkhazie, exigent qu’elle retire ses forces armées du no man’s land qui sépare les territoires contrôlés par les milices séparatistes de la Géorgie intérieure. Tbilissi a rejeté cet ultimatum ; la réponse de Moscou est encore à attendre.

Du côté de Washington, qui tente de soutenir son allié, le ton est monté vis-à-vis du Kremlin. Le président George W. Bush affirme avoir dit personnellement au Premier Ministre russe Vladimir Poutine que cette violence était inacceptable. La diplomatie américaine qualifie la réaction russe de disproportionnée, montrant l'énorme déséquibilre existant entre forces armées russes et géorgiennes. Elle accuse aussi le Kremlin de planifier un changement de régime à Tbilissi, ce que Moscou a démenti. La Maison Blanche a également menacé le Kremlin d’un sérieux endommagement des relations russo-américaines si toute nouvelle escalade côté russe venait à se produire. Le Kremlin a de son côté accusé la Géorgie d'avoir perpétré un génocide en Ossétie du Sud et promet de réunir des preuves à cet effet et de prendre les dispositions internationales conséquentes.

La réaction de la communauté internationale fait quant à elle son chemin pour tenter de mettre en place une médiation entre les deux camps. Le Ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, est arrivé le 10 août au soir à Tbilissi aux côtés de son homologue finlandais Alexander Stubb. Représentant respectivement l’UE et l’OSCE, ils ont mis en avant un plan de sortie de crise, qu’ils iront présenter à Moscou dans la journée du 11 août. Ce plan consiste principalement à un arrêt des hostilités et un retour aux positions antérieures au 7 août. Le président Mikhaïl Saakachvili a annoncé le 11 août avoir signé un cessez-le-feu en présence des MAF français et finlandais. Nicolas Sarkozy devrait se rendre à Moscou mardi.


Avant qu’une réelle médiation de conflit ne soit mise en place par la communauté internationale, il est difficile à dire dans quelle direction la situation militaire évolue. Il semble que la Russie tienne à maintenir sa pression sur Tbilissi et à obtenir de meilleures positions militaires aux frontières entre les deux républiques séparatistes et la Géorgie proprement dite, mais aucun signe de préparation d’une offensive générale ne s’est encore fait sentir.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ca va etre tres dur de faire pression sur une puissance telle que la Russie. Surtout qu'avec l'Afganistan et l'Irak, les americains n'ont plus de troupes disponibles.